INTERNATIONAL COALITION FOR THE PRESERVATION OF PARIS

PROJETS DE TOURS À PARIS : QUELLE CONCERTATION AVEC LES PARISIENS ?

April 1, 2021

Projets de tours à Paris : quelle concertation avec les Parisiens ?

Marie Karel

Dans Paris intramuros, trois projets de tours menacent d’altérer inexorablement sa « skyline »  et son paysage urbain : le Palais de justice(17e), la tour Duo (13e) et la tour Triangle (15e). À ces projets, il faudra ajouter ceux qui se situent dans des villes de banlieue limitrophes et qui marqueraient la ligne d’horizon de Paris.

Le concept même de la skyline est très récent en France, aussi bien dans la planification urbaine qu’en matière de protection du patrimoine. À l’heure où plusieurs villes européennes voient monter la contestation et se multiplier les conflits autour de l’impact paysager des tours, cette absence de conceptualisation de la skyline justifie pour l’Agence nationale de la recherche la mise en place, depuis janvier, d’un programme pour étudier les enjeux qui la concernent.

Que pensent les Parisiens de ces projets ? À part une enquête réalisée par la Mairie de Paris au début du second mandat de Bertrand Delanoë, qui a mis en évidence l’opposition des habitants aux immeubles de grande hauteur, il n’y a jamais eu de véritable sondage. Il reste la voix des associations quand elles s’expriment dans différents contextes et notamment dans le cadre des concertations.

Concernant les ZAC (zones d’aménagement concerté), la mise en place d’une concertation réunissant la municipalité, les associations et d’autres acteurs institutionnels, a été prévue par une charte élaborée par le Ministère de l’environnement en 1996. Cette charte prévoit que l’aménageur doit financer la concertation en prenant en charge un bureau, du personnel, les réunions, les documents, etc., au même titre qu’il finance des études ou des plans d’architectes. Plus tard, la Mairie de Paris a produit de son côté sa propre « charte parisienne de la participation » appelée aussi charte Bouakkaz (du nom de l’adjoint au maire qui en a eu la charge). Ces deux textes n’ont pas valeur de loi.

Le cas de la concertation de la ZAC Paris Rive Gauche dans le 13e est assez exemplaire : lors d’une enquête publique en 1997, grâce à l’intervention de l’architecte Rémi Koltirine, inspecteur du projet à l’époque (et membre de SOS Paris plus tard), les associations ont obtenu que la charte de 1996 soit imposée à l’aménageur de façon obligatoire. C’est ainsi que le Comité permanent de la concertation réunit depuis, des élus, l’aménageur, des partenaires comme la SNCF, l’Université Paris 7-Diderot, les associations concernées, et les conseils de quartier organisés par la Mairie du 13e. SOS Paris y participe depuis le début et affiche une attitude critique et combative, notamment à l’encontre du projet des tours Duo.

Si dans le secteur de Paris Rive Gauche, l’association a pu compter des combats perdus et d’autres gagnés, concernant le projet de tours, elle n’a rien pu obtenir. Au cours des douze derniers mois, les associations n’ont rien pu faire de plus que de participer au jury du concours pour le choix de l’architecte. SOS Paris n’y a pas pris part. À l’heure actuelle, le permis de construire des tours Duo n’a toujours pas été demandé et une étude supplémentaire de l’aménagement des abords est en cours.

Dans le 17e, la ZAC Clichy-Batignolles, créée en 2007, n’a pas suivi l’exemple de la ZAC du 13e. En se basant sur la charte Bouakkaz et en mettant en œuvre la « participation citoyenne » (la nuance est significative), l’aménageur et la ville ne consultent pas les associations, mais uniquement des individus habitant le secteur. Auxquels s’ajoutent – fait éloquent – les élèves du primaire dans le cadre de l’opération Villes amies des enfants ! Ici, l’aménageur ne finance que des actions à la gloire du projet : films, expositions, etc., autrement dit des opérations de communication.

Compte tenu du fait que la ZAC inclut sur son territoire un terrain réservé à l’État qui, via l’Établissement public du Palais de justice de Paris, réalise le projet très contesté de la tour de la Cité judiciaire, on peut mesurer l’impact de ce type de concertation qui est loin d’être à la hauteur des enjeux. Aucune voix discordante ne pouvant se faire entendre, la contestation n’a aucune chance. Dans ce contexte, le projet de la tour de la Cité judiciaire qui contribue à vider le centre de Paris de ses fonctions essentielles, visé d’ailleurs par un recours en nullité intenté par les avocats de Justice dans la Cité, finit par passer comme un rouleau compresseur. Qui peut sérieusement parler de concertation dans la ZAC Clichy-Batignolles ?

Quant au projet de la tour Triangle dans le 15e, les données sont bien différentes : s’agissant d’un projet privé, la mise en œuvre d’une concertation « institutionnalisée » comme dans le cas des ZAC, est impossible. D’où l’intérêt pour les associations d’agir de concert, via le Collectif contre la tour Triangle, étape par étape : le PLU, le permis de construire, etc., tout en organisant des événements et en alertant la presse. Un bras de fer s’est engagé, depuis des années, entre l’entrepreneur et la Mairie qui bénit le projet d’un côté, et les associations de l’autre, rejointes par certains élus (EELV et Modem essentiellement). Pour un résultat qui tiendrait du miracle ? Ou bien, plus certainement, de la conjoncture financière.

MARIE KAREL, journaliste, écrit des documentaires pour la télévision. Membre de SOS Paris depuis 20 ans, elle a créé et, par le passé, géré le site Web de SOS Paris à http://sosparisblog.wordpress.com/ Elle représentait l’association dans les organes consultatives concernant le projet de développement de Paris Rive Gauche.

Last modified: April 1, 2021

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